Concertation résilience : inventons le territoire de demain
🌱 Transition écologique
Actions

- Année de lancement :
- 2025
- Proposé par :
- Préfecture du Pas de Calais
- Type :
- Concertation
- Dates d’ouverture à la participation :
- du au
- Conditions de participation :
- Ouvert à tous
- Modalités de participation :
- En présentiel
Contexte
Entre le 18 octobre 2023 et le mois de février 2024, le département du Pas-de-Calais et une partie de la Somme et du Nord ont subi une vague de précipitations sans précédent, au regard des relevés effectués par Météo France depuis 1959.
Le fait que ces territoires soient intensément habités et exploités, par une agriculture à forte valeur ajoutée et par une empreinte urbaine ancienne, industrielle et portuaire, explique en partie l’importance des dommages malgré une prise en main depuis une vingtaine d’années des enjeux de prévention des inondations (en particulier par des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux portés par des structures ayant tout ou partie de la compétence GEMAPI et ayant porté des programmes d’actions de prévention des inondations).
Dans les mois qui ont suivi les inondations, la priorité de l’État s’est concentrée sur la prise en charge des sinistrés, les interventions d’urgence et sur les travaux structurants à réaliser avant l’hiver. Plus de 357 millions d’euros ont ainsi été mobilisés par l’État et ses partenaires en faveur des sinistrés dans le Pas-de-Calais et le Nord.
Un an après les événements, il est apparu nécessaire d’ouvrir un nouveau chapitre et, au regard du caractère exceptionnel des phénomènes subis l’hiver 2023-2024, de lancer une réflexion collective afin de permettre à l’ensemble des habitants et parties prenantes de prendre la mesure des grands enjeux qui pèsent sur ce territoire dans un contexte de changement climatique qui accroît singulièrement le risque majeur et qui nécessite de (re)penser la manière d’y vivre, d’y travailler, de l’aménager.
C’est le sens de la démarche de résilience pilotée par la Préfecture du Pas-de-Calais qui répond à la lettre de mission du Premier Ministre, Gabriel Attal, du 09 janvier 2024, aux préconisations du rapport des trois inspections, piloté par le préfet Philizot « mission d’appui au préfet de la région des Hauts-de-France pour renforcer la résilience des territoires touchés par les inondations » rendu en avril 2024 et doit bénéficier du retour d’expériences de la concertation citoyenne déployée dans le cadre de la reconstruction des vallées sinistrées des Alpes-Maritimes.
Objectifs
- Comprendre le phénomène inédit de l’hiver 2023-2024, donner les clés pour appréhender les conséquences des choix historiques d’aménagement et les conséquences locales du réchauffement climatique aux collectivités, acteurs locaux, et habitants
- Penser l’avenir du territoire : prendre conscience, dans les faits, des bouleversements en cours pour le territoire et faire émerger une vision partagée d’un futur souhaitable pour le territoire pour « faire face », dans le contexte du réchauffement climatique (France +4°C, en écho au Plan national d’adaptation au changement climatique)
Que s'est-il passé ?
La concertation s’est construite en en deux étapes :
- Une concertation avec les acteurs du territoire avec un double enjeu : élargir l’écosystème d’acteurs à qui l’État s’adresse en associant maires, habitants, et acteurs associatifs et économiques à la démarche de résilience, et recueillir les attentes de ces acteurs du territoire pour nourrir l’élaboration des feuilles de route résilience et leurs plans d’action respectifs.
- Sur la base des résultats de la concertation, élaborer des feuilles de route avec les collectivités et leurs groupements, les chambres consulaires, les services de l’État, les opérateurs, l’agence de l’eau Artois-Picardie, afin de de déterminer les domaines d’action prioritaires pour renforcer la résilience, condition de l’attractivité et du développement du département, et de définir les grands axes d’une stratégie pour améliorer l’ensemble des documents et prescriptions en place, permettant ainsi une planification territoriale claire et partagée.
Qu'en est-il ressorti ?
- Une prise de conscience partagée : repenser le territoire à l’aune du cycle de l’eau
Une grande majorité des contributions montre une convergence forte sur la nécessité de placer le cycle de l’eau au cœur de l’aménagement du territoire. L’eau ne doit pas être uniquement pensée comme une contrainte, mais comme une clé de lecture de l’organisation du territoire et un principe structurant de l’aménagement du territoire. L’ensemble des participants a insisté sur l’importance de restaurer les continuités écologiques (zones humides, haies, prairies, sols vivants).
Opter pour une hydraulique douce intégrée aux paysages agricoles et urbains, favoriser l’infiltration naturelle, limiter le ruissellement, créer des systèmes de stockage décentralisés (mares, retenues collinaires) et lutter contre la bétonisation et l’imperméabilisation apparaissent, pour les participants dans leur grande majorité, comme des leviers clés pour favoriser la résilience du territoire.
Un consensus se dégage également sur la fragmentation institutionnelle de la gouvernance de l’eau, perçue comme un frein à l’action, appelant à une clarification des compétences et à la création d’un cadre plus lisible à l’échelle des bassins versants. Une proposition d’instaurer un « code territorial de l’eau », à l’échelle du bassin versant, par exemple, a été formulée pour clarifier les responsabilités, harmoniser les règles et renforcer l’efficacité des interventions.
- Une agriculture en transition : une volonté affichée de mutation
Très avertis sur les questions de changements climatiques, les agriculteurs présents dans les ateliers (à la fois lors de l’atelier qui leur était destiné mais aussi dans les autres ateliers) rejoints par les élus et les habitants ont tout à fait conscience des limites du modèle actuel.
Ils plaident pour une agriculture de conservation, la revalorisation de l'élevage à taille humaine, la diversification des cultures, et le retour à des pratiques agronomiques plus durables (sols vivants, rotations plus longues, pâturages tournants, recours à des variétés nouvelles mieux adaptées aux aléas, couverture végétale).
Cependant, la principale préoccupation des agriculteurs reste le modèle économique de chaque filière qui contraint fortement l’adaptation et la transformation des pratiques.
L’intégration des impacts du changement climatique dans les choix de cultures (ex. variétés précoces, cultures méditerranéennes) et l’adoption de techniques innovantes (semis sous couvert, agroforesterie, stockage d’eau à petite échelle) sont identifiées comme des pistes d’avenir.
Pour certains participants, la diversification des productions, le retour de l’élevage à taille humaine, et le renforcement de l’autonomie des exploitations ont été identifiés comme leviers de résilience.
Le stockage d’eau à petite échelle et l’agroforesterie apparaissent également comme des pistes crédibles, déjà expérimentées localement.
Toutefois, les incertitudes sur les débouchés, les exigences de standardisation, et le poids de certains acteurs en amont et en aval de la chaîne rendent complexe toute transition ; d’où une attente forte de régulations incitatives et d’accompagnements différenciés. Enfin, les agriculteurs souhaitent être pleinement acteurs de leur agriculture d’avenir et refusent d’être stigmatisés sur leurs pratiques actuelles.
- Urbanisme et aménagement du territoire : anticiper plutôt que réparer
La question de l’urbanisme est un élément clé de la résilience dans un contexte de pression foncière et d’aléas croissants. Les participants ont insisté sur l’urgence de freiner l’artificialisation des sols et de limiter leur imperméabilisation, afin de préserver les capacités naturelles d’absorption et de régulation des milieux.
Ils ont également souligné la nécessité de sanctuariser les zones inondables dans les documents d’urbanisme, tels que les PLU et PLUI, en rendant ces zones durablement inconstructibles pour éviter toute mise en danger future. La relocalisation des habitants vivant dans des zones à risque est identifiée comme une mesure indispensable, qui doit néanmoins être articulée avec les contraintes posées par la loi ZAN (zéro artificialisation nette) et les réalités foncières locales.
Enfin, les participants voient dans les outils innovants de planification intégrée, comme les PLUI-A (A pour Agricole), une opportunité pour mieux concilier urbanisme, agriculture et environnement dans une approche cohérente et résiliente.
- Une culture du risque à construire
Les participants, notamment les habitants, insistent sur la nécessité d’un changement de paradigme dans la gestion des risques, appelant à une approche plus intégrée, participative et préventive.
Plusieurs axes structurants sont proposés pour renforcer la résilience collective.
Il s’agit d’abord de développer des outils de communication multicanaux - réseaux sociaux, écoles, lieux publics, dépliants, relais locaux, afin de toucher un large public de manière efficace et continue.
La formation des citoyens est également jugée essentielle, à travers des exercices de simulation, la diffusion des DICRIM (documents d'information communale sur les risques majeurs) et l’appropriation des plans communaux de sauvegarde.
Par ailleurs, une sensibilisation accrue aux projections de la TRACC (trajectoire de référence pour l’adaptation au changement climatique) est nécessaire pour anticiper les effets à long terme du dérèglement climatique.
La mémoire des catastrophes passées est également, selon les participants, essentielle, afin de cultiver une vigilance collective pérenne.
Enfin, les participants appellent à une implication renforcée des habitants dans la gouvernance locale du risque, tout en affirmant le rôle incontournable de l’État en matière de pilotage, de coordination et de transparence.
- Des attentes fortes envers l’action publique : incitations, simplification, territorialisation
La simplification est un des enjeux soulevés par les participants qui demandent des dispositifs plus lisibles, adaptés aux réalités locales et moins pénalisants.
Les aides doivent être renforcées pour accompagner les pratiques vertueuses : prime à l’herbe, valorisation de la haie, soutien à l’agroécologie, aides à l’achat de matériels légers.
L’idée d’une « décentralisation » plus poussée est récurrente : les solutions efficaces sont celles qui prennent en compte la diversité des territoires.
Il est proposé de redonner du pouvoir aux maires, de territorialiser les plans d’action, et de mieux intégrer les agriculteurs aux discussions stratégiques, d’autant plus qu’ils couvrent 70 % du territoire du Pas-de-Calais.
La « territorialisation » des politiques publiques a été largement mise en avant : il ne peut y avoir de solution unique. Les interventions ont mis en avant la nécessité de donner davantage de marges de manœuvre aux élus locaux, en particulier aux maires, pour adapter les outils aux contextes spécifiques. Le développement d’outils de planification intégrée comme les PLUI-A (Plans Locaux d’Urbanisme Intercommunaux tenant compte de l’agriculture) est proposé pour mieux articuler enjeux agricoles, environnementaux et urbains.
Le développement d’outils renforçant l’action solidaire a également été évoqué (PiCS : Plans Inter-Communaux de Sauvegarde).
Enfin, intégrer le coût du risque climatique dans les chaînes de valeur agroalimentaire est apparu comme un impératif pour rééquilibrer les responsabilités et inciter les acteurs économiques à contribuer à la résilience des territoires.
- Gouvernance : vers un pilotage coordonné, territorialisé et partagé
Les participants aux différents ateliers ont, pour l’ensemble, insisté sur la nécessité de repenser la gouvernance pour accélérer la transition et la résilience du territoire.
Ils appellent à une coordination à plusieurs échelles plus efficace, notamment par le biais d’instances de bassin telles que les EPTB et les syndicats mixtes, avec des rôles clarifiés entre collectivités, État, acteurs économiques (agriculteurs et entreprises) et habitants.
Cette gouvernance renouvelée passe également par une territorialisation concrète des outils et décisions : il s’agit d’adapter les dispositifs aux spécificités locales, de renforcer les pouvoirs des élus, acteurs de proximité essentiels.
Enfin, les participants insistent sur l’importance d’une co-construction stratégique des politiques publiques, en associant pleinement les habitants et les acteurs économiques — notamment les agriculteurs et les entreprises industrielles — à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi des plans d’action.
- Valoriser les synergies entre les différents acteurs du territoire
Plusieurs contributions au sein des différents ateliers soulignent que les intérêts des habitants, des élus et des agriculteurs convergent.
Une meilleure gestion des eaux, des sols, une agriculture moins intensive et plus résiliente profitent à tous.
Il est donc essentiel d’encourager la co-construction, de renforcer la pédagogie, et de rapprocher monde agricole et grand public.
Les participants ont insisté sur le besoin de renforcer les espaces de dialogue, de co-construction et de médiation. Il faut créer des lieux où les désaccords puissent être discutés, où les enjeux de chacun soient compris, et où l’on puisse construire des compromis durables. L’éducation, la formation, la vulgarisation scientifique, la mise en récit des transitions apparaissent comme des leviers pour ancrer ces synergies dans le temps.
Actions mises en œuvre
Depuis le mois de septembre 2025, des groupes de travail portant sur la culture du risque, sur l’aménagement du territoire et l’urbanisme résilient, sur l’agriculture et sur le développement économique se réunissent avec pour objectif d’instruire et d’approfondir les axes, issus de la concertation, à intégrer dans les différents chapitres qui composeront le plan de résilience.
Ces groupes de travail sont constitués des services de l’État, ses opérateurs (notamment VNF l’agence de l’eau, l’OFB, le CEREMA, l’EPF Hauts de France), les collectivités territoriales (EPCI et syndicats mixtes) et les chambres consulaires, auxquels sont associés, selon les thématiques, les acteurs concernés.
Au regard de leurs compétences, ce sont principalement les collectivités qui auront à mettre en œuvre ce plan de résilience. Leur adhésion à son contenu est donc essentiel, dès la phase d’élaboration.
Ce plan de résilience sera proposé à la signature des différentes parties qui adhèrent à la démarche et qui œuvreront à sa mise en œuvre au mois de décembre 2025.